
Enseignants, formateurs, chefs d’entreprise : quelle posture adopter face aux IA génératives ?
A l’approche de cette nouvelle rentrée scolaire, nombreux sont les enseignants et formateurs à s’interroger sur les évolutions de leur métier à l’heure de la généralisation des IA.
Les chefs d’entreprise sont également concernés et parfois bousculés par leurs stagiaires ou alternants qui manient les outils d’IA pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Ce qui n’est pas nouveau
Depuis la généralisation d’internet et des encyclopédies en ligne, le formateur ou l’enseignant ne se positionne plus en simple pourvoyeur de connaissances et en « sachant supérieur » puisque les savoirs sont largement disponibles pour tous. En revanche, il a développé un positionnement de vecteur d’expériences, de réflexion et de soutien afin d’accompagner les démarches d’apprentissage de ses élèves.
En entreprise, les dirigeants ont eux aussi dû adapter leur mode de management face à la génération Z, « digital-native » et souvent réticente aux relations hiérarchiques.
Ce changement de posture n’est donc pas nouveau et les IA ne font qu’accentuer et accélérer ces tendances.
Selon Gwenaël BERTHÉLEMÉ-SAUDREAU, associée fondatrice de HeloP portage salarial :
« il est essentiel de s’ouvrir et se nourrir des expériences de tous, y compris nos étudiants ou stagiaires. Si l’IA nous oblige à questionner nos besoins et à échanger, c’est une bonne chose ! »
Ce qui bouleverse l’enseignement et le management
Les évolutions technologiques se multiplient, de nouveaux outils apparaissent chaque jour, certains deviennent rapidement obsolètes, d’autres se généralisent rapidement. La veille technologique devient indispensable, pour suivre ces innovations. Mais l’accélération technologique est telle qu’elle entraîne des pratiques non maitrisées, non transparentes – on parle d’utilisation « fantôme » -, voire frauduleuses.
Cyrille SUIRE, enseignant-chercheur à l’IUT informatique de La Rochelle explique : « En arrivant à l’IUT, certains étudiants se servent très intelligemment des IA, mais ils sont minoritaires. La plupart d’entre eux les utilisent mal, pour tout et n’importe quoi. Cet usage anarchique nuit à leurs apprentissages ».
Pierre GASTE, DG du centre formation Alphalia ajoute : « l’un des risques est l’effet de sur-confiance ». En formation, il faut se méfier de cette illusion de maitrise, également appelé effet Dunning-Kruger, qui peut se trouver renforcé par l’utilisation excessive des IA génératives, pourvoyeuses de réponses « prêtes à l’emploi ».
Il est donc essentiel de promouvoir une utilisation responsable, véritablement utile à l’étudiant ou à l’apprenant.
Comment lutter contre les mésusages ?
En formation, à l’université comme en entreprise, interdire ne marche pas, mais il est nécessaire de poser un cadre clair, tout en expliquant les enjeux et les risques.
En entreprise, il existe un réel danger de perte de maîtrise des données et de litiges juridiques face aux clients. Gwenaël BERTHÉLEMÉ-SAUDREAU dirige une société de portage salarial, une activité très encadrée comportant beaucoup d’administratif. Elle a fait le choix d’une posture active face au développement des IA : « après un temps d’appropriation, on doit se poser les bonnes questions pour ne pas subir : j’encourage les salariés en portage à expérimenter et à se faire accompagner pour faire progresser leurs pratiques et expertises. »
Elle utilise Claude en version payante, comme un assistant lui permettant de gagner du temps sur le ‘comment’, mais non sur le ‘pourquoi’. « Face à des problèmes complexes et à des évolutions législatives constantes, aucune IA ne pourra rivaliser avec la capacité d’écoute et de conseil que nous apportons à nos clients » conclue-t-elle.
Pour son centre de formation, Pierre GASTE va dans le même sens : il fournit aux formateurs des ressources sur l’espace de veille en ligne et les forme à une utilisation conforme aux valeurs d’Alphalia. « Tous les quinze jours, notre réunion pédagogique comporte un moment consacré à l’IA afin de cadrer notre démarche, dans l’optique de Qualiopi. Nous faisons le point sur nos outils et nos pratiques de manière itérative car ça évolue rapidement » explique-t-il. Priorité est donnée aux logiciels libres et les utilisateurs sont sensibilisés au coût environnemental des outils d’IA pour promouvoir un usage raisonné. L’objectif est d’utiliser les IA lorsqu’il y a une réelle valeur ajoutée pédagogique. Par exemple, le formateur peut générer à l’aide de l’IA un podcast de synthèse à l’issue de la formation, à partir des exemples et des apports des participants.

A l’université, il est encore plus nécessaire de lutter contre les utilisations frauduleuses, le non-respect du droit d’auteur et d’informer sur les biais et les risques de réponses erronées. Ainsi, à partir de la rentrée, tous les départements de tous les IUT de France devront proposer un module spécifique IA correspondant au niveau 1 :
- Comment ça marche ?
- Comment je m’en sers ?
- Quels sont les biais ?
L’IUT Informatique de La Rochelle a déjà intégré cette acculturation à l’IA en première année, sous forme de jeux collaboratifs. A la rentrée 2026, de nouveaux modules seront proposés en niveau 2 concernant les usages dans le contexte métier.
L’objectif est d’apprendre à utiliser l’IA comme un facilitateur ou un assistant, en étant bien informé des limites et des risques. Selon les publics auxquels ils s’adressent, enseignants, formateurs et chefs d’entreprise ont donc un rôle pédagogique primordial à jouer pour promouvoir des usages responsables et utiles.
Hélène Buisson – hbsolutionscomm.com