La stratégie numérique au service des événements
Alors que la saison des festivals et salons bat son plein à La Rochelle, cet article propose un état des lieux sur l’apport des technologies numériques face aux problématiques événementielles. Comment attirer et fidéliser visiteurs, experts ou exposants ? Comment fluidifier l’organisation, la logistique et accroître la réactivité face aux imprévus ? Nous avons rencontré quatre acteurs rochelais du secteur pour les interroger sur les différentes stratégies possibles.
La Donnée, nerf de la guerre
Comme partout, la gestion des données dans l’événementiel revêt une importance croissante
CRM prédictif pour développer et anticiper la fréquentation, mais aussi connaissance du profil et parcours des participants, afin d’analyser ce qui a bien fonctionné ou pas. Agnès Gasnier, conseil et organisation de projet événementiel, souligne ainsi l’apparition d’un nouveau métier : celui de data-analyst événementiel qui devrait être très recherché dans les années à venir.
Le Festival La Rochelle Cinéma (FEMA) a quant à lui fait développer son propre outil d’organisation, qui correspond au plus près à ses besoins en termes de gestion des bases de données festivaliers, accrédités et invités, gestion des hébergements et des transports, centralisation des informations techniques et des programmations.
Comme l’explique, Arnaud Dumatin, délégué général, « notre festival est atypique : avec plus de 300 projections et autant d’invités par an, les outils existant sur le marché n’étaient pas adaptés. C’est pourquoi nous faisons confiance à notre prestataire développeur, qui nous connait bien et qui est intégré à notre équipe depuis des années. »
Au-delà de l’inscription en ligne, le digital facilite l’expérience sur place
Généralisée sur les événements BtoB et les festivals, la billetterie digitalisée permet une visibilité en temps réel sur les ventes, ce qui est très important pour les organisateurs.
Aujourd’hui, comme l’indique Agnès Gasnier, « sur Sunny Side of the Doc, le visiteur achète plus qu’un billet. Il accède à une plateforme réservée aux accrédités, qui fluidifie la participation à l’événement avant, pendant et après ».
En effet, l’application, nommée MySunnySpace, donne un accès direct à tous les inscrits, ainsi qu’aux intervenants et exposants. Elle permet donc de préparer sa visite, de prendre contact pour des rendez-vous sur site, de sélectionner les ateliers ou tables rondes auxquels on souhaite assister et de recevoir des notifications de rappels. L’appli contient bien sûr également toutes les informations pratiques (planning, lieux, salles…). Chaque visiteur peut ainsi planifier son événement de manière très personnalisée.
Xavier Roquel est le directeur général de l’agence Atlantika Evénements, qui est chargée de la régie opérationnelle du Festival de la Fiction TV depuis 2008 et qui organise entre autres les Shipping Days, le rendez-vous dédié au transport maritime international. Il constate que « ces applications sur lesquelles on peut tout faire, organiser son planning, réseauter et gérer ses rendez-vous deviennent incontournables en BtoB ».
La scénographie événementielle évolue
Grâce aux nouvelles technologies (capteurs, réalité augmentée, 3D…) les décors et les stands se métamorphosent en univers immersifs toujours plus innovants. Agnès Gasnier rappelle que « le Graal de l’événementiel, c’est de créer une expérience mémorable ».
Sans aller au bout du monde, les organisateurs de salons et les exposants peuvent offrir à leurs visiteurs des découvertes très variées, en utilisant par exemple le mapping vidéo ou les hologrammes. « C’est une tendance qui devrait exploser dans les années à venir », ajoute Agnès Gasnier, prédisant le développement d’agences expertes en design d’expérience IA et en développement de contenus immersifs.
Des attentes différentes selon les événements
Sur tous ces sujets, Xavier Roquel accompagne les clients d’Atlantika Evénement dans le choix des prestataires : « la rédaction du cahier des charges est la phase la plus délicate. Car un festival n’est pas un salon et chaque événement, BtoB ou BtoC, a ses particularités et des attentes différentes ».
Par exemple, la billetterie en ligne du FEMA comporte des contraintes fortes, avec ses très nombreuses projections en différents lieux et des festivaliers en majorité non-professionnels, aux comportements divers : certains souhaitent réserver en ligne leurs séances, d’autres préfèrent choisir au dernier moment…
De plus, il existe une grande variété de tarifs, ce qui complexifie encore l’équation. Pour l’instant, le système est hybride online/billets papier mais l’équipe réfléchit à un système entièrement digitalisé, permettant d’accorder la même latitude aux festivaliers, tout en connaissant mieux leurs comportements.
Le Festival International du Film et du Livre d’Aventure de La Rochelle (FIFAV), après avoir travaillé avec deux prestataires de billetterie qui n’évoluaient pas conformément aux attentes, a finalement missionné un troisième prestataire pour développer une solution « sur-mesure » qui est utilisée avec succès depuis plusieurs années. En revanche, le vote pour le Grand Prix du public ne s’effectue pas en ligne, afin de favoriser les discussions, ce que ne permet pas un simple clic sur un écran. Stéphane Frémond, le président, souligne : « notre conviction, c’est que le numérique doit rester à sa place, en support de l’organisation et au service des publics. Ce n’est en aucun cas la solution à tout. L’ADN de notre festival, c’est l’humain ! ».
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, après avoir monté en quinze jours en novembre 2020 une édition 100% distancielle qui a remporté un large succès, puis une édition hybride en 2021, l’équipe est revenue depuis à une édition en présentiel. « Ces expériences nous ont beaucoup appris et les deux derniers festivals ont battu des records avec presque 35 000 entrées ! » conclut Stéphane Frémond.
Un même objectif : créer et fidéliser une communauté
Un événement réussi, c’est un rassemblement volontaire, de la communication et du partage. Cela passe évidemment par la qualité des expériences proposées mais aussi par la richesse des échanges entre participants, experts, intervenants… Les réseaux sociaux se sont largement imposés comme des vecteurs incontournables. « L’objectif est de créer une communauté impliquée » observe Agnès Gasnier. D’où l’importance d’une communication efficace et conviviale en amont, permettant aux participants d’arriver dans les meilleures conditions possibles. Les réseaux permettent aussi d’attirer de nouveaux publics, et d’élargir l’audience à l’international, grâce à des diffusions en streaming, comme proposé par Sunny Side of the Doc, qui vient de fêter sa 35e édition.
Le FEMA fait appel depuis deux ans à une responsable de la communication digitale externalisée, afin d’informer et de fédérer les cinéphiles, mais aussi de développer et rajeunir le public.
Arnaud Dumatin conclut : « le digital est pour nous une source d’amélioration de nos process ». Xavier Roquel ajoute : « le numérique est un facilitateur dont on ne pourrait pas se passer. Pourtant j’observe un retour à l’humain, notamment pour certaines relances, car nous sommes tous inondés de messages ». Agnès Gasnier met quant à elle en garde face à la multiplication des outils, « cela peut donner une véritable usine à gaz ! »
Pour organiser, planifier, communiquer, mesurer : le numérique s’inscrit au cœur des événements, dans un monde où chacun et chacune est connecté. Reste à bien choisir et calibrer les outils et dispositifs selon la stratégie et les objectifs de chaque événement. Car au final, ce sont avant tout les rencontres et les expériences humaines qui attirent et font revenir les participants !